Former des facilitateurs et des facilitatrices à la conversation dans l'Esprit

Lorsque nous avons décidé d’engager notre démarche de discernement communautaire en paroisse à l’été 2024, nous ne disposions pas, dans notre environnement, de facilitateurs formés à la Conversation dans l’Esprit.

Il nous a donc fallu appeler des facilitateurs et les former.

L'appel des facilitateurs et facilitatrices

Nous avons défini quelques conditions qui nous semblaient nécessaires pour pouvoir jouer ce rôle, outre le fait de ne pas être issu de notre paroisse :

  • Ne pas pouvoir être identifié comme une figure d’autorité, car cela pourrait limiter la liberté de parole ;

  • Être capable d’animer sans donner son propre avis ;

  • Savoir être rigoureux dans le respect du cadre et des principes d’animation de la conversation dans l’Esprit tout en étant délicat dans la manière de le faire ;

  • Avoir envie de découvrir la conversation dans l’Esprit et de s’y former.

La formation des facilitateurs et facilitatrices

Les objectifs de la formation que nous avons mise en place :
  • S’approprier les fondements et le modus operandi de la Conversation dans l’Esprit ;

  • Acquérir, par la pratique, les savoir-faire à mobiliser et la posture à incarner pour la facilitation de la conversation dans l’Esprit ; la formation a donc privilégié les mises en situation, les exercices pratiques, car pour pouvoir faciliter, il faut en faire l’expérience ;

  • Disposer de repères d’animation pour faciliter les échanges d’un groupe selon la Conversation dans l’Esprit ;

  • Trouver son propre style et repérer les savoir-faire et postures à ajuster.

Une formation qui permet une progression dans les apprentissages :
  • Mise en situation des 2 premières étapes de la Conversation dans l’Esprit animées par un formateur -> découvrir la Conversation dans l’Esprit en y participant ou en observant ;

  • Mise en situation des 2 premières étapes de la Conversation dans l’Esprit animées par une des personnes participant à la formation -> s’entraîner à être en situation de facilitation (la 3ème étape étant d’une nature très différente des 2 premières, elle n’était travaillée que dans un second temps) ;

  • Les 3 étapes de la CdE animées par une des personnes participant à la formation -> consolider les apprentissages sur les deux premières étapes et acquérir les modalités d’animation de la 3ème.

Une formation composée de 2 modules de 3 heures chacun :

1er Module

  • Introduction : l’assemblée paroissiale de fin mars et le processus de discernement communautaire

  • La Conversation dans l’Esprit : fondements, principes, points clés

  • Mise en situation « aquarium »(facilitation par un formateur) et retours

  • Présentation d’un guide pour la facilitation de la Conversation dans l’Esprit

  • Mises en situation permettant de vivre plusieurs séquences de Conversation dans l’Esprit depuis différents points de vue : participer, faciliter, observer

  • Partage sur les apprentissages / repères et pistes

2ème Module

  • Déroulement de l’assemblée paroissiale

  • Rappel des principes d’animation des deux premières étapes de la conversation dans l’Esprit (y compris la prise en compte des personnes en difficulté avec l’écrit, les couleurs, l’audition) et présentation de l’animation de la 3ème

  • Travail personnel à partir du guide de facilitation

  • Mise en situation des deux premiers tours de parole et retours

  • Mise en situation sur le 3ème tour de parole et retours

  • Partage sur les apprentissages / repères et pistes

Parole aux acteurs
La formation évaluée par les facilitateurs et facilitatrices

A la fin de la formation, et après l’assemblée paroissiale, les facilitateurs et les facilitatrices qui ont été formés ont été sollicités pour évaluer le parcours qui leur avait été proposé.

Les principaux points forts qu’ils mettent en avant :

  • L’importance des mises en situation qui ont permis de pratiquer le processus de la Conversation dans l’Esprit. Cela a permis de comprendre le positionnement dans la facilitation, d’identifier les difficultés potentielles et de les travailler. En particulier, l’exigence de neutralité n’est pas naturelle et il est important de prendre conscience du fait que l’on peut influencer involontairement le processus collectif.

  • L’utilité des documents mis à disposition, en particulier le guide pour la facilitation.

  • L'intérêt des indications données : par exemple sur la manière de poser les questions (« y a-t-il une objection ? »), ou la manière de permettre aux personnes qui s'expriment peu à prendre la parole.

  • La compréhension du processus de la conversation dans l’Esprit : en comprendre les étapes, mais aussi l’état d’esprit visant à développer l’écoute de chacun dans l’écoute de l’Esprit. Cela a permis d’installer une confiance dans le processus de la conversation et de ce qui allait en sortir.

  • La visibilité sur la place de cette conversation dans l’Esprit dans le processus global de discernement communautaire mis en place.

  • L’approche pédagogique : le fait qu’il y ait eu deux séances de formation séparées dans le temps ; l’importance du lien entre la théorie et la pratique, pour donner du sens, est également mentionnée.

Les axes d’amélioration, qui auraient pu nécessiter des mises en situation supplémentaires, et donc davantage de temps consacré à la formation :

  • La 3ème étape de la conversation, qui est restée floue pour certains.

  • La gestion des comportements de la part de participants posant problème durant la conversation.

Point d'attention
Faut-il vraiment prévoir 6 heures de formation ?

Il peut être difficile de convaincre de la nécessité d’une formation qui dure 6 heures. Or, si les personnes membres de l’EAP et de l’équipe projet n’en sont pas convaincues, il y a peu de chance qu’elles parviennent à mobiliser leur réseau pour que certaines de leur relations s’engagent dans la formation : « N’est-ce pas trop demander ? » diront certains.

Cette résistance peut être encore plus forte de la part de personnes qui connaissent la tradition ignatienne et pratiquent le dialogue contemplatif. En effet, comme la Conversation dans l’Esprit, le dialogue contemplatif comporte 3 étapes précédées d’un temps de réflexion personnelle. Il est clair que la pratique de l’animation du dialogue contemplatif facilite l’acquisition des savoir-faire nécessaires à la Conversation dans l’Esprit. Toutefois, le dialogue contemplatif n’a pas pour visée la construction d’un consensus, ce qui constitue une différence fondamentale entre les deux démarches.

Et pourtant, les témoignages des facilitateurs et facilitatrices mentionnés ci-dessus montrent que la durée de 6 heures était nécessaires. Ils sont aussi l'expression de la joie trouvée dans ces temps de formation, qui sont aussi des temps spirituels.

Alors pourquoi y a-t-il besoin de 6 heures au total ? C’est parce que :

  • Les manières de faire propres à la Conversation dans l’Esprit ne sont pas naturelles : principe de neutralité, poser un cadre et le rappeler, être ferme mais avec bienveillance... ; de plus, ce qui est proposé aux participants et aux participantes va à contre-courant des habitudes les plus courantes en réunion : des temps de silence, ne pas donner un point de vue ou une idée mais partager des expériences et des émotions, ne pas rebondir sur ce qui a été dit ni synthétiser...

  • Les formations reposent prioritairement sur des mises en situation au cours desquelles est vécue la dynamique de la Conversation dans l’Esprit. Et une mise en situation prend du temps, tout comme la Conversation dans l’Esprit prend du temps ;

  • Le 3ème temps de la Conversation dans l’Esprit a une logique très différente des 2 premiers ; il nécessite donc un apprentissage spécifique.

L'évaluation faite par les facilitateurs et les facilitatrices figurant ci-dessus conduirait même à envisager une formation un peu plus longue.

Si ce niveau d'exigence n'est pas tenu, le risque est de décridibiliser la démarche proposée par le Document final. Les membres de la communauté pourraient dire : " C'est comme avant ", faute d'avoir goûter la joie qu'il y a à se mettre en communauté à l'écoute de " ce que l'Esprit dit aux églises " (Ap. 2, 7).