Des questions préalables à aborder avant de se lancer


Pour engager la démarche de discernement communautaire à la paroisse St Germain de Fontenay-sous-Bois, quelques questions préalables ont dû être clarifiées par l'équipe projet en lien avec l'équipe d'animation paroissiale et le curé :
Quelle est la question soumise au discernement ?
Comment associer largement les membres de la communauté et au-delà ?
Quels sont les rôles de chacun dans la démarche ?
Quels engagements prendre vis-à-vis de la communauté pour rendre compte de l’avancement de la démarche et des décisions auxquelles elle conduira ?
Et, si la décision est prise d’animer les temps communautaire avec la Conversation dans l’Esprit, comment trouver ou former des facilitateurs et des facilitatrices ?
Des questions qui peuvent être revisitées en cours de route
Il est important de donner une première réponse à ces questions dès le départ, pour avoir une boussole pour avancer, mais aussi pour pouvoir expliquer à la communauté le chemin qui est proposé. Les réponses apportées ont cependant dû être revisitées en cours de route.
En particulier, les rôles joués par les uns et les autres dans la démarche a demandé des précisions complémentaires, les implications d’une démarche de discernement communautaire n’apparaissant qu’au fil des étapes.
Les réponses que nous avons apportées à ces différentes questions sont développées ci-dessous, ou en cliquant sur chacune d'entre elles ci-dessus.
Quel était l'objet de la décision à prendre ?
Le choix de la question soumise au discernement est une étape essentielle. C'est elle qui doit guider l'ensemble de la démarche.
Question soumise au discernement dans notre démarche :
Quels sont les 3 ou 4 appels du Seigneur que nous discernons et décidons de choisir comme orientations à travailler dans notre paroisse pour les 2 ou 3 années à venir pour que celle-ci soit plus vivante, annonçant mieux l'Évangile et plus ouverte sur les habitants du quartier ?
Pour l’assemblée paroissiale, la question était plus ouverte. En effet, il s'agissait de recueillir des idées, des pistes, des projets ; il ne s'agissait pas encore de faire des choix. La question était donc formulée ainsi :
Pour être plus vivante, annonçant mieux l'Évangile, plus ouverte sur les habitants du quartier, à quoi notre communauté est-elle appelée sur le thème que vous avez choisi de travailler ?
C'est lors de la priorisation collégiale qu'il fallait faire des choix. C'était l'objet de la question posée :
A partir de l’expérience vécue en Assemblée paroissiale, à la lecture du compte-rendu de l’Assemblée, et à l’écoute des membres de la paroisse, quels sont les 3 ou 4 appels du Seigneur que nous discernons et décidons de choisir comme orientations à travailler dans notre paroisse pour les 2 ou 3 années à venir ?
Comment associer largement ?
Puisque synode veut dire « marcher ensemble », une question doit être posée à toutes les étapes : avec qui ne marchons-nous pas ; qui sont les Bartimée que, tout à notre joie de suivre le Christ, nous laissons sur le bord du chemin (Mc 10, 46-52) ?
Document final n° 82
" C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir une large participation aux processus de discernement, en veillant tout particulièrement à l’implication des personnes en marge de la communauté chrétienne et de la société. " (n° 82)
Partis-pris
Nous avons essayé de tenir compte de cette interpellation tout au long de notre cheminement, pour chercher à associer ceux qui ne participent pas régulièrement aux célébrations communautaires et ceux qui pouvaient ne pas se sentir à leur place dans une assemblée paroissiale :
Dès le lancement, nous avons cherché à inviter largement, en allant au-delà des pratiquants réguliers de la messe dominicale (voir notamment les courriers adressés à toutes les personnes ayant eu un contact même occasionnel avec la paroisse).
Lors du recueil des contributions, nous avons eu le souci d’avoir une proposition à l’égard de ceux qui peuvent être en difficulté avec l’écrit ; mais cette idée n’a finalement pas été mise en œuvre.
Dans le recueil des contributions, plusieurs portait sur la place des jeunes dans la communauté. Nous avons alors décidé d’animer des temps d’échange au sein des groupes de jeunes de la paroisse parallèlement à la tenue de l’assemblée paroissiale. Ces groupes de jeunes auraient ensuite eu la possibilité de désigner un binôme de délégués pour la réunion de discernement collégial. Cette modalité de participation n’a finalement pas été mise en œuvre.
Et sans doute aurions-nous dû aussi nous poser la question des personnes en marge de la société, qui sont aussi bien souvent en marge de nos communautés paroissiales.
Point d'attention
Difficulté à prendre le temps nécessaire pour faire une place à ceux qui n'ont pas voix au chapitre
Force est de constater que, en dépit des intentions que nous avions, nous ne sommes pas allés jusqu’au bout de ce que nous voulions faire. En particulier, lorsque les échéances les plus mobilisatrices approchent, c’est à la place donnée à ceux que l’on écoute pas naturellement que nous avons accordé la priorité la plus faible.
Alors comment faire pour limiter ce risque ? La réponse se situe sans doute dans le rythme auquel le discernement communautaire est conduit : il faut du temps pour pouvoir associer largement.
Comment s'est posée la question des rôles dans la prise de décision ?
Une question sensible
Le rôle des différents acteurs de la communauté ( curé, équipe d’animation pastorale, responsables d’activités, membres de la communauté...) dans le discernement communautaire est une question sensible. C’est une question sensible parce qu’elle touche à l’exercice du pouvoir au sein de la communauté. Elle est également de ce fait difficile à aborder, car les intérêts personnels sont nécessairement en jeu.
Cette question peut conduire à ne pas vouloir prendre le risque d’un mode de fonctionnement synodal parce certains sentent que l’exercice du pouvoir va s’en trouver modifier. Elle peut aussi surgir en cours de route lorsque les conséquences du mode synodal apparaissent plus clairement.
C’est pour ces raisons qu’il est important d’avoir un vis-à-vis. Le premier vis-à-vis, c’est le Document final du synode, qui consacre un sous-chapitre à « L’articulation des processus de décision » (DF n° 87-94). Il peut aussi être utile d’avoir un vis-à-vis à l’extérieur de la communauté, qui puisse témoigner d’autres expériences de discernement communautaire.
Commençons par regarder ce que nous dit le Document final.
A l'écoute du Document final (n° 87 à 93)
Le Document final, au n° 90, distingue deux phases dans le processus de discernement communautaire : le discernement et la décision :
Document final n° 90
« Ces deux phases ne sont ni concurrentes ni opposées, mais elles contribuent, par leur articulation, à ce que les décisions prises soient le fruit de l’obéissance de tous à ce que Dieu veut pour son Église. Il est donc nécessaire de promouvoir des procédures qui rendent effective la réciprocité entre l'assemblée et celui qui la préside, dans un climat d’ouverture à l’Esprit et de confiance réciproque, à la recherche d'un consensus aussi unanime que possible. » (n° 90))
L’enjeu du discernement communautaire est la recherche du consensus parce que c’est l’unique Esprit qui anime tous les membres de la communauté. Ainsi, l’obéissance ne s’exerce pas d’abord à l’égard des personnes en situation d’autorité, mais à l’égard de la volonté de Dieu.
Au n° 93, le Document final précise comment s'articulent les différents rôles dans le processus de décision. Cette articulation peut être représentée par le schéma qui suit :


Commentaire
Ce schéma invite à une forme de dialogue, dans lequel chacun des rôles, celui de l'autorité pastorale et celui des membres de la communauté, est défini au regard de ce qu'il doit apporter à l'autre.
Un des points importants dans ce schéma concerne la formulation de la décision qui a été prise. Il ne s'agit pas seulement d'énoncer une décision, mais aussi de montrer comment celle-ci tient compte de tout ce qui a été dit dans le cadre du processus de discernement.
Comme indiqué, c'est particulièrement nécessaire lorsque la décision s'écarte des avis qui ont été donnés.
Et le processus synodal ne s'arrête pas avec la prise de décision. Il s'achève par l'évaluation de la décision après qu'elle a été mise en oeuvre. A ce moment, qui ouvre à nouveau l'écoute de la parole de tous, c'est à nouveau l'honnêteté qui est demandée.
Partis-pris
Dans notre parcours, la question du rôle de l’autorité pastorale – du curé – s’est posée alors que la démarche avait déjà été annoncée dans la paroisse dans les termes suivants : que se passe-t-il s’il n’adhère pas totalement aux conclusions issues du discernement communautaire ? Cette question a fait l’objet d’un échange approfondi à l’occasion d’une réunion de l’équipe projet. A la lecture du Document final, nous avons apporté les réponses suivantes :
En premier lieu, le curé est le garant du processus.
De ce fait, il était possible d’avoir un a priori de confiance dans le fait qu’il n’y aurait pas de divergence à la fin (l’exemple du Pape François, qui reprend à son compte le Document final du synode des évêques, a servi de référence).
Il ne faut toutefois pas exclure qu’il puisse ne pas pouvoir endosser toutes les décisions. Dans ce cas, qui ne s’est pas produit, il aurait fallu qu’il puisse expliquer les raisons de sa décision finale.
Les échanges que nous avons pu avoir avec notre référente au niveau diocésain ont permis de consolider cette position.
Point d'attention
Nécessité de clarifier les rôles dans la prise de décision
Si les rôles dans la prise de décision ne sont pas clairs dès le début de la démarche de discernement communautaire, cela peut conduire à des tensions extrêmement fortes au moment où les personnes en charge son organisation sont les plus sollicités. Il est donc essentiel de clarifier cette question dès le démarrage.
La lecture du Document final (n° 87 à 93) est le premier point de référence pour y aider. L’intervention d’une personne extérieure à la paroisse et ayant déjà une expérience du discernement communautaire peut également être sollicitée.
Comment s'est organisée la conduite du projet
Partis-pris
Pour conduire notre projet de discernement communautaire, nous avons mis en place une équipe projet en dialogue avec l’EAP qui, dans notre diocèse, est en charge de l’organisation des assemblées paroissiales.
La mise en place d’une équipe projet permet d’instaurer un dialogue entre ceux qui conçoivent le processus de discernement communautaire et ceux qui ont l’autorité pour décider ; un dialogue en cohérence avec la logique de la synodalité.
Le principe de l'équipe projet a été décidé 6 mois avant le début du processus de discernement communautaire ; elle a été effectivement en place 4 mois avant.
Quels engagements faut-il prendre vis-à-vis de la communauté ?
Les engagements pris par les responsables de la communauté vis-à-vis de ses membres font partie de toute démarche synodale.
Document final n° 80
" Les processus décisionnels nécessitent un discernement ecclésial, qui requiert une écoute dans un climat de confiance, celle-ci étant soutenue par la transparence et le rendre compte. La confiance doit être mutuelle : ceux qui prennent les décisions doivent pouvoir faire confiance au peuple de Dieu et l’écouter. Celui-ci à son tour doit pouvoir faire confiance à ceux qui exercent l’autorité. " (n° 80)
Partis-pris
Les engagements pris par les responsables de la communauté ont été de deux natures :
Dès que cela a été possible, le processus d'ensemble jusqu'à la prise de décision a fait l'objet d'une communication auprès des membres de la communauté ; communication qui valait engagement. Il est en effet plus difficile de s'affranchir de ce qui a été annoncé. Cette communication a été fait dès le mois de février, lors de l'appel à contribution lors des célébrations dominicales. Il a été confirmé et précisé lors de l'assemblée paroissiale de la fin du mois de mars. (voir le schéma ci-dessus)
A chacune des étapes du discernement communautaire, nous avons cherché à mettre à disposition des paroissiens tout ce qui avait été produit, en veillant à retranscrire les contributions avec la plus grande fidélité. Cela a été le cas des contributions recueillies en amont de l'assemblée paroissiale et des propositions faites lors de l'assemblée paroissiale.
Cette mise à disposition fidèle a des intérêts multiples. En premier lieu, cela permet à chacune et à chacun de constater que les organisateurs respectent la parole des membres de la communauté sans chercher à imposer une vision arrêtée par avance. Par ailleurs, cela permet de garder une trace de tout ce qui a été produit au long de la démarche ; il s'agit d'un matériau qui pourra être utile pour ceux qui seront chargé de la mise en oeuvre des décisions qui auront été prises.
Point d'attention
Tenir compte du doute des membres de la communauté sur le fait que la démarche engagée va changer les pratiques
En dépit des annonces qui ont été faites sur l’objet du discernement communautaire et sur son déroulement, certains paroissiens sont restés sceptiques. Ils avaient du mal à croire que ce qui avait été engagé allait vraiment changer les pratiques, et que des orientations pastorales allaient réellement se dégager et être mises en œuvre. Les engagements sont donc nécessaires, car ils permettront aux paroissiens de constater qu’ils ont été tenus. Mais, compte-tenu de pratiques antérieures, ils peuvent ne pas suffire pour établir la crédibilité de la démarche engagée. L'enjeu de cette pratique dépasse donc celle des démarches de discernement communautaire.
